Préambule
La Chine répertorie aujourd’hui plusieurs centaines de styles de Kung fu différents. Les classifications ne manquent pas non plus. Les styles du nord, ceux du sud, les styles internes, les styles externes, ou encore les styles liés à une ethnie, à une famille ou à un clan. Certains présentent le Wing Chun comme un style combiné, alliant l’interne et l’externe et laissant transparaître à la fois des aspects traditionnels et modernes. D’autres décrivent le Wing Chun comme une synthèse de différents autres styles.
Apprendre un style sous entend plus ou moins de respecter et de copier l’ensemble des caractéristiques de ce style. Tout du moins dans un premier temps. Copier les postures, les mouvements, les déplacements mais aussi les énergies, l’intention et la dynamique d’ensemble. La part d’improvisation personnelle est assez limitée finalement.
Le Wing Chun est davantage un système plutôt qu’un style. Les formes nous enseignent des principes et concepts martiaux et laissent dès le départ libre cours à une interprétation. La première forme : Siu Nim Tao signifie la petite idée. L’ensemble du système Wing Chun est ainsi basé sur des idées fondées sur des principes et non sur des techniques littérales.
Le système Wing Chun se veut objectif et opportuniste. Les séquences de mouvement ne sont donc pas pré-définies. La concentration, l’écoute et l’adaptation sont au cœur du système. Chaque école de Wing Chun compte son lot de bons pratiquants. Et pour autant on constate assez facilement que leur Wing Chun est différent d’une école à l’autre. Un style ne peut être que personnel et reste par nature inimitable. En revanche un système peut être appris de tous et permettre à chacun d’exprimer son propre style. La compréhension d’une idée est propre à chacun, son interprétation l’est encore davantage.
Les formes
Comme beaucoup d’autres styles de kung fu, le Wing Chun n’échappe pas à la règle et possède également ses propres taos. Le tao est l’équivalent chinois du kata pour les arts martiaux japonais. On parle aussi de forme. Il s’agit d’un ensemble de mouvements organisés et codifiés : premier outil de mémorisation et de transmission du style.
Le style Wing Chun inclut six formes. Trois à mains nues: Siu Nim Tao, Chum Kiu et Biu Gee. Une forme au mannequin de bois : Mook Yan Chong. Et deux formes avec armes : Luk Dim Boon Gwan (Le bâton long), Baat Jam Dou (les couteaux).
Il est intéressant de noter que beaucoup de styles de Kung Fu adoptent un système d’apprentissage et de progression linéaire. On commence généralement par construire les bases du style, puis on enrichit les techniques qui gagnent en complexité et en finesse pour arriver à terme à un système plus avancé et plus efficace. Le meilleur pour la fin en quelque sorte.
Le Wing Chun est construit différemment dans le sens ou les techniques et concepts les plus efficaces martialement, et donc les plus intéressants, sont contenus et enseignés dès le début des deux premières formes : Siu Nim Tao et Chum Kiu.
La troisième forme Biu Gee met l’accent sur les situations d’urgence lorsque les choses tournent mal. Un adversaire plus rapide ou plus fort, plusieurs attaquants, une embuscade ou encore lorsque nous sommes blessés. C’est un peu la forme de la dernière chance.
La 4ème forme se travaille au mannequin de bois. On l’appelle aussi la forme des 108 mouvements. (Bien que certaines lignées en comptent parfois 116). Cette forme introduit de nouveaux déplacements et un ensemble de techniques et de concepts permettant de gérer les erreurs en mettant l’accent sur les techniques de rétablissement. Il est évident que la forme ne se limite pas qu’à cela. La conception du mannequin et l’emplacement des bras et de la jambe permettent de travailler les angles de déviation – notion fondamentale en Wing Chun. On peut également voir la forme au mannequin comme une synthèse des autres formes. Par ailleurs, la forme ouvre également de nouvelles possibilités pour travailler et améliorer la puissance.
Enfin, les formes avec armes renouent avec le concept d’efficacité première. On apprend ce qui fonctionne dès le départ pour une efficacité martiale maximale.
Chisao
Le chisao fait parti intégrante du système Wing Chun. En cantonais chi signifie collé et sao signifie main : les mains collantes. C’est un exercice qui permet de développer l’écoute et la sensitivité par le contact.
On commence généralement l’apprentissage par le chisao à un bras appelé Dan Chi Sao. C’est un travail coopératif entre les deux partenaires qui exécutent une séquence de mouvements de base du Wing Chun : Tan Sao, Bong Sao et Fuk Sao.
On y retrouve le principe d’attaque défense simultané du Wing Chun mais il s’agit davantage de pouvoir simultanément attaquer au moment opportun tout en fermant l’angle d’attaque potentiellement exploitable par l’adversaire. On a donc une sorte d’action/réaction entre les deux partenaires avec un implication minimale afin de le limiter l’exposition.
Une fois à l’aise on peut passer au chisao à deux bras en simultané: Sern Chi Sao. On y introduira ensuite l’exercice du rolling arms : Poon Sao – développant l’écoute, la coordination des bras et la poussée constante vers l’avant.
La pratique du chisao nous permet surtout d’accélérer nos réactions à travers le relâchement musculaire et le développement d’une sensibilité tactile. Il s’agit de trouver la bonne réponse correspondant à une situation donnée mais l’idée première réside bien dans le fait de ne pas penser l’action réponse. Elle se veut spontanée, naturelle et dans un temps proche de l’instantané.
J’aime assez l’image évoquée par Adam Chan qui prend la métaphore de la plaque de cuisson. Lorsqu’on y pose la main, on ne prend pas le temps de se dire c’est chaud. On retire la main instantanément. Ça résume assez bien ce que l’on cherche à développer à travers le chisao.
Le travail du chisao transforme notre Wing Chun en profondeur, de façon à toujours apporter la technique Wing Chun la plus opportune face à une situation de combat donnée.